L’amortissement d'un bien immobilier : en connaissez-vous toutes ses composantes ?

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Une image valant mille mots, qui de mieux qu’un écrivain pour parler avec poésie de l’amortissement ?

"Le chagrin que ne manquerait pas de me causer sa perte était déjà réparti sur plusieurs années de mon enfance, et par conséquent presque "amorti", comme un vieil immeuble" (Marcel Pagnol, Le temps des secrets, 1960, collection Le Livre de Poche, page 33).

En termes plus comptable ou financier, "amortir" un bien signifie que l'on constate dans les comptes de l'entreprise la dégradation dans le temps de la valeur d'une immobilisation inscrite au bilan. En clair, il s'agit d'une charge "fictive" qui vient réduire le résultat comptable et/ou fiscal du montant correspondant à la perte de valeur estimée, dans le but de "mettre de côté" chaque année en vue de pouvoir racheter un autre bien similaire une fois celui-ci usé, obsolète, ou vétuste.

Intéressons-nous ici plus spécifiquement au cas d'un immeuble : maison individuelle, immeuble d'habitation ou de bureaux, local professionnel, … Sans trop rentrer dans les détails (même si le diable s'y cache souvent), la question de la ventilation du prix d'un bien immobilier entre terrain et construction peut être un sujet d'importance, suivant la nature du bien, notamment dans les grandes villes où le prix du terrain au m2 est le plus souvent élevé. Et ce dans la mesure où seule la fraction du prix de l'immeuble comptabilisée en construction sera amortissable.

En effet, pour mémoire, tous les biens ne sont pas censés se déprécier avec le temps. Et le terrain fait partie des heureux élus, avec par exemple le fonds de commerce, pour lesquels "amortir" est interdit sur les plans comptable et fiscal.

Outre les amortissements exceptionnels, dont seuls certains investissements peuvent bénéficier[1], il existe principalement deux types d'amortissements, variables selon la nature des biens acquis :

  • L'amortissement linéaire : la "charge fictive" déductible du résultat se traduit alors par une annuité, constante chaque année, sauf pour la première et la dernière année où un calcul se fait au prorata temporis. L'amortissement linéaire est applicable à tous les biens amortissables. La durée globale d'amortissement va varier suivant le type et l'usage de l'immeuble (habitation individuelle ou collective, bâtiments industriels, etc);
  • et le dégressif : l'annuité de cet amortissement n'est pas constante. Elle s'obtient à l'aide du taux d'amortissement linéaire auquel on applique un coefficient. Ce dernier dépend de la durée normale d'utilisation du bien (sur un plan fiscal, et non comptablement). Ce système de "dépréciation fictive" est réservé aux biens d'équipement, exception faite des immeubles d'habitation, des chantiers et des locaux utilisés pour l'exercice de la profession. L'amortissement des murs et du mobilier d'hôtels bénéficient également de ce régime. Ce dernier n'est pas appliqué de façon systématique. Les entreprises concernées, à savoir les entreprises industrielles et commerciales aux régimes réel ou simplifié, doivent en faire la demande pour en bénéficier.

Le cas échéant, votre expert-comptable préféré saura parfaitement vous guider dans ces choix stratégiques.

Depuis 2005, les règles régissant l'amortissement des immobilisations, notamment immobilières, ont été réformées en profondeur. Dès lors, l'amortissement global des constructions, qu'il soit linéaire (cas général) ou dégressif, a laissé la place à un mécanisme d'amortissement par composants (art. 311-2 du PCG) : on y retrouve par exemple la structure (selon l'administration fiscale[2], "il s'agit de la partie de l'immobilisation restant après décomposition", i.e. le gros œuvre), dont l'installation électrique et la plomberie font partie, mais également les menuiseries extérieures, le chauffage, ou bien encore l'étanchéité, chaque composant étant susceptible d'avoir sa propre durée d'amortissement.

Ainsi, dès lors qu'un actif immobilisé est constitué d'éléments qui diffèrent dans leur utilisation, i.e. dans leur durée d'usure, un plan d'amortissement propre doit alors être établi pour chacun. Et l'immobilier ne fait pas exception.

Pour illustrer, prenons le cas d'un immeuble professionnel d'une valeur de 850 000 €, dont 20 % de terrain (soit 170 000 €), et 80 % amortissable linéairement dans sa globalité sur 25 ans au taux de 4% l'an (100/25=4 %/an). L'amortissement annuel serait donc de 27 200 €.

Avec un amortissement par composants (détail ci-dessous, valable au cas d'espèce, réalisé avec notre progiciel SaaS Easy by Exceliances®), cet amortissement annuel serait de 17 721 € par an durant les 15 premières années. Soit une diminution de près de 35 % par rapport à un amortissement global sur la même période. Et une hausse mécanique correspondante du résultat imposable de la structure.

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Des aménagements ont également été apportés sur les règles comptables de détermination de la valeur de l'actif à amortir et sur la durée de l'amortissement. Ces aménagements n'ont pas tous été repris par la réglementation fiscale, introduisant parfois une distorsion entre le résultat comptable et fiscal, nécessitant un retraitement.

A noter que l'amortissement est en principe déductible fiscalement lorsque le propriétaire, personne physique ou morale, est assujetti au régime des BIC, BA ou BNC (hors régime micro). A défaut, un retraitement entre le résultat comptable et fiscal sera nécessaire. Cependant, même en l'absence de prise en compte par l'administration fiscale, amortir comptablement un immeuble détenu par une SCI soumise à l'IR dans la catégorie des revenus fonciers peut avoir du sens et devenir un outil au service d'une stratégie patrimoniale. Mais cela est une autre histoire…

Autteur : Olivier TUBETTI

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